mardi 12 juin 2012

Vacuité de la méthode des examens

L'université Paris-II Panthéon Assas, ainsi que probablement la plupart des facultés de droit en France, procède à une session d'examen dont la consistance peut probablement être présentée en deux catégories.

  1. Une évaluation des connaissances.
  2. Une évaluation des connaissances couplée à une compréhension de la matière.

La première série d'examens n'attend de l'étudiant qu'une seule connaissance matérielle du cours, sans l'once d'une réflexion supplémentaire. Le fait de connaître le cours par cœur conférera à l'étudiant, dans la plupart des cas, le maximum de la note.

C'est un procédé voulu qui présente différentes avantages : clarté des exigences, simplicité et rapidité de l'évaluation (c'est-à-dire des corrections), ce qui facilite ainsi l'organisation des examens tant dans leur contenu substantiel (puisqu'il suffira de poser des questions ayant trait à des segments de cours précis) que dans leur aspect matériel (adapté à la quantité considérable d'étudiants).

Mais également de nombreux inconvénients : peu d'intérêt pour l'étudiant, qui mémorisera le cours plutôt que de l'apprendre (la différence sémantique est de taille) et qui pourrait ainsi se voir conférer l'accès au cycle suivant alors qu'il n'a pas ou peu acquis de savoir-faire, au risque d'être alors confronté à des difficultés insurmontables puisque les pré-requis n'auront pas, précisément, été acquis (le syllogisme judiciaire, qui fait appel à un processus Qualification / Application, doit être compris dès l'issue de la deuxième année). Plus encore, ce type d'examen est d'un ennui profonds pour l'enseignement et pour l'étudiant, ce qui pourrait conduire à en rebuter plus d'un de ce genre d'études (mais n'est-ce pas parfois l'un des buts voulu ?).


A cette évaluation des connaissances s'ajoute celle couplée à la maîtrise d'un savoir-faire. Ce sont généralement les examens de matières fondamentales, ou unités d'enseignements primaires, opposées aux matières complémentaires ou unités d'enseignements secondaires. L'étudiant doit cette-fois exposé une certaine réflexion, que ce soit au travers de la résolution d'exercice pratique (en général un cas : un exposé de fait à l'égard desquels l'étudiant doit présenter les normes applicables pour ensuite en déduire les solutions légales de l'espèce) ou d'exercices plus théoriques, que sont la dissertation, le commentaire d'arrêt ainsi que le commentaire d'article.
A cette présentation traditionnelle peuvent s'ajouter des variantes telles que le commentaire comparé. L'examen se déroule généralement pendant trois heures.

Ce type d'examen présente l'avantage d'attendre une réflexion personnelle de l'étudiant : celui-ci doit exprimer son raisonnement, afin de montrer au correcteur qu'il maîtrise tant le contenu que la substance de la matière (ce qui en droit est précisément le fait de pouvoir la mettre à l'épreuve). Avantage parce qu'épreuve par nature plus intéressante, où l'étudiant est en réalité - il ne se rend pas toujours compte - confronté à l'exercice quotidien des professions juridiques. Il en sort donc mieux préparé pour ce dit exercice

En effet, tant l'avocat que le juge, le notaire ou tout autre juriste doivent, au cours de leur vie professionnelle, résoudre des cas, se confronter à l'embryon d'un commentaire d'article (notamment lorsque celui-ci, parce qu'il serait nouveau ou d'application rare, n'aurait pas l'objet d'études doctrinales préalables), etc.

Avantage encore, parce que l'étudiant est plus enclin à prendre goût aux études. Il semble évident que lorsqu'on attend d'une personne qu'elle exprime, directement ou indirectement, son opinion, elle soit plus motivée que si l'on ne lui demandait qu'une simple récitation.

Avantage enfin parce que de tels exercices, en mettant l'accent précisément sur une certaine méthode (méthode de résolution des cas, méthode de la dissertation, méthode du commentaire), relèguent au deuxième rang la connaissance matérielle du droit.

Cette méthodologie fait normalement appel à une maîtrise d'un outil indispensable de la vie juridique : le Code. Celui-ci, en plus de contenir les dispositions législatives applicables, énumère bien souvent l'application qui en est faites par la jurisprudence.
C'est un précieux gain de temps et d'énergie en période d'examen : plutôt que d'avoir à retenir articles et arrêts, on se focalise sur leur compréhension. L'étudiant qui aura appris à l'utiliser sera alors tout aussi efficace sinon plus que celui qui se serait préalablement livré à l'exercice fastidieux de mémorisation. Je parle ici d'expérience.

C'est d'autant plus intéressant que le droit n'est pas du par cœur : et pour cause, il change constamment. Un simple regard sur le Journal officiel permet de comprendre qu'un juriste ne peut pas se fonder sur ses seules connaissances personnelles : il doit avant tout maîtriser les notions élémentaires, certes, mais également actualiser ce savoir afin de répondre correctement aux problèmes qui lui sont posés.

La jurisprudence en matière de responsabilité de l'avocat regorge de cas où celui-ci se serait grossièrement trompé parce qu'il s'était fondé sur ses connaissances telles qu'elles avaient été acquises sur les bancs de la faculté.

Il y a toutefois des inconvénients. Tout d'abord parce que ce type d'examen sollicite plus par nature le l'évaluateur. On ne peut se contenter d'une simple grille de correction : une appréciation globale doit être portée sur le raisonnement.
Appréciation qui prend plus de temps, temps qu'on doit multiplier par le nombre d'étudiants à évaluer.

Ensuite parce que précisément avec l'évaluation d'un raisonnement l'objectivité de l'évaluation est plus contestable. On rétorquera peut-être qu'il n'est pas d'objectivité du savoir en droit, puisque celui-ci s'adressant aux hommes, sa réception sera toujours dépendante d'un trait de subjectivité (par exemple l'appréciation que ferait un juge sur les conclusions des avocats en présence).
C'est tout de même gênant en matière d'évaluation d'un enseignement qui ne doit pas a priori favoriser l'expression d'un type de pensée et d'opinion en démocratie.
On pourra alors y pallier avec le principe de la double évaluation, appliqué en principe - la pratique est une autre histoire - en France. Deux correcteurs différentes examinent la prestation rendue, afin de réduire les marges d'effet des opinions personnelles de chacun.

Enfin, parce que vous l'aurez compris, tout cela coûte plus cher.

Quant à l'équilibre global, celui-ci est variable puisque l'on peut attribuer à chaque type d'évaluation un coefficient qui favorise l'un ou l'autre, en fonction des objectifs voulus.

Reste que je suis consterné par le nombre d'examen qui se font encore sous la simple forme d'une évaluation des connaissances. Au regard du bilan dresser, il me semble qu'ils n'ont plus leur place dans un enseignement supérieur.

On notera toutefois que certains lobbys œuvrent hélas en faveur de telles évaluations, parce que plus facile, moins chère, mais aussi parce que moins contestables ou parce qu'elles permettent à un plus grand nombre d'obtenir des notes correctes (mais pas des bonnes notes) puisqu'il suffit de mémoriser et non d'exprimer une réflexion, qui fait appel à de l'intelligence.

Peut-être finalement est-ce un problème de société : on serait persuadé que le premier type d'examen favorise l'étudiant travailleur par cette croyance erronée que chacun a des capacités de réflexion plus ou moins importantes tandis que l'on peut tous mémoriser en fonction d'un effort relativement similaire des éléments.
Ce qui, de mon expérience, est faux : certains retiennent plus facilement que d'autres, tandis que la réflexion s'exerce avec d'autant plus de facilité qu'elle est régulièrement sollicitée.

jeudi 8 mars 2012

Organisation des enseignements et sélection inavouée

Nouvelle mesure du jour, probablement vouée à être temporaire au regard des réactions qu'elle engendre (heureusement)

Paris II se met à limiter l'impression de fiches de travaux dirigés ; 20 par travaux dirigés et des fiches uniquement disponibles sur Internet le vendredi de la semaine pour "empêcher les prépas privées de mettre la main dessus et mettre fin à l'inégalité sociale qu'elles engendrent".



Sachant qu'on est 35 par travaux dirigés, parfois plus, qu'il suffit qu'on ne mette pas la main sur ladite fiche pour avoir à attendre vendredi, payer l'impression, et parfois travailler en urgence le weekend s'il s'avérait que la séance était le lundi, j'avoue ne pas saisir l'argument de l'Administration de notre faculté. Peut-être me manque-t-il une case ?



J'ai l'impression de faire face à la même logique que celle qui consiste à dire qu'on ne ramasse pas les devoirs, même pour les évaluer, parce que cela reviendrait à avantager ceux qui ont eu recours aux prépas privées pour réaliser ledit devoir.


C'est méconnaître un pan du problème : les premiers lésés seront précisément ceux qui ne peuvent pas avoir recours à ces prépas et ne pourront donc pas avoir une évaluation de leur travail avant l'examen terminal ou, éventuellement, le galop.


Donc presqu'aucune chance d'évoluer, de combler ses lacunes, de comprendre en quoi est-ce que notre façon de travailler ne correspondrait pas à l'attente des professeurs, puisque le galop scelle habituellement la note de suivie, laquelle compte tout de même pour un tiers sur l'évaluation finale.

jeudi 1 mars 2012

vient de recevoir le PV du CA de Paris 2 de décembre 2011 et souhaite en conséquence bon courage aux étudiants de P2 de l'année prochaine.
Parmi les changements considérables :
- un calendrier universitaire rallongé qui débute le 1er octobre au lieu du 11 (une bonne chose) ;

- Les examens se font après les vacances ! Pour le premier semestre, ils débutent à la rentrée des congés de Noël Les congés se font du 22 au 7 ; une semaine de révision est ensuite octroyée du 7 au 12 janvier. Les examens débutent le 14 du même mois et se terminent le samedi 2 février. Quant aux examens du second semestre, ils se font à compter du 21 mai, après une semaine de révision qui débute le 13, soit immédiatement après les congés de printemps.

- toujours pas de vacances post-examen (absolument scandaleux ; je ne comprends pas pourquoi l'on se laisse faire sans partir au créaneau) la reprise des cours se fait dès le lundi 4 février. Malheur à ceux qui ont un oral le samedi pour revenir en amphi le lundi. Sur ce dernier point, toutefois, la reprise des travaux dirigés est désormais plus tardive ;

- les travaux dirigés débutent en effet le 15 octobre pour le premier semestre et le 18 février pour le second semestre.

Si globalement cela va dans le sens d'une année universitaire rallongée, ce qui est une très bonne chose, le premier semestre sera extrêmement lourd pour les étudiants. Il se fera d'un bloc, du mois d'octobre jusqu'à décembre, sans interruptions. La même chose pour le second semestre, en plus léger pour ceux qui n'auront que deux travaux dirigés, en plus dur pour ceux qui n'auront aucune interruption après leurs examens.

Ce sera un marathon jusqu'aux congés de Noël, lesquels seront désormais un bloc de trois semaines de révisions préalables aux examens. Je ne crois pas que ce soit pertinent ; les étudiants n'auront presque aucun recul vis-à-vis de leur travail et des matières enseignées, arriveront aux vacances de Noël exténués et entamerons celles-ci dans le stress.

De même qu'il eut été pertinent à mon sens d'octroyer une semaine de congés après les examens du premier semestre, salvatrice pour la santé mentale des étudiants, leur repos intellectuel et avec leurs capacités de concentrations et donc leur réussite !

S'agit-il de former l'élite de demain ou de remplir un cahier de charge ? Souhaite-t-on repérer les étudiants les plus intéressants, aux capacités de réflexions et d'ouvertures étonnantes, ou les plus adaptés, les plus résistants, qui feront probablement les meilleurs choix stratégiques mais parfois au détriment d'une réflexion plus approfondie ou d'une approche originale qui fonde, à mes yeux, l'intelligence ?